Que vous soyez artisan, entrepreneur du bâtiment ou maître d’ouvrage, l’assurance décennale est un pilier fondamental de la construction en France. Elle constitue une obligation légale pour les professionnels, mais aussi une garantie de sécurité pour les clients.
Trop souvent méconnue ou négligée, cette assurance protège contre les malfaçons et dommages graves pouvant compromettre la solidité d’un ouvrage, et ce pendant 10 ans après la réception des travaux.
Dans cet article, nous allons détailler le rôle, le fonctionnement et les obligations de l’assurance décennale, ainsi que les cas concrets où elle s’applique — afin de mieux comprendre pourquoi elle est indispensable à tout projet immobilier.
1. Qu’est-ce que l’assurance décennale ?
L’assurance décennale, ou garantie décennale, est définie par les articles 1792 et suivants du Code civil.
Elle impose à tout professionnel du bâtiment d’être responsable, pendant 10 ans à compter de la réception des travaux, des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination.
En clair, si un mur se fissure, une toiture fuit ou une dalle s’affaisse quelques années après la fin du chantier, la responsabilité de l’entreprise qui a réalisé les travaux peut être engagée.
Grâce à l’assurance décennale, ces réparations sont prises en charge par l’assureur, évitant ainsi un lourd coût financier pour le professionnel et le client.
2. Une obligation légale pour les professionnels du bâtiment
Depuis la loi Spinetta du 4 janvier 1978, tous les professionnels qui interviennent sur un ouvrage doivent souscrire une assurance responsabilité civile décennale avant le début des travaux.
Sont concernés :
- Les constructeurs de maisons individuelles,
- Les entreprises générales du bâtiment,
- Les artisans (maçons, plombiers, électriciens, couvreurs, menuisiers, etc.),
- Les architectes, bureaux d’études, maîtres d’œuvre,
- Les auto-entrepreneurs intervenant dans la construction ou la rénovation.
En cas d’absence d’assurance
Exercer sans assurance décennale est une infraction pénale.
Le professionnel encourt jusqu’à :
- 75 000 € d’amende,
- et 6 mois d’emprisonnement.
En outre, en cas de sinistre, il devra indemniser lui-même le client, ce qui peut mettre en péril la viabilité de son entreprise.
3. Quels travaux sont couverts par la garantie décennale ?
L’assurance décennale s’applique à tous les travaux de construction, rénovation ou aménagement structurel d’un bâtiment.
✅ Travaux concernés :
- Construction d’une maison, d’un immeuble ou d’une extension,
- Réfection complète d’une toiture,
- Travaux sur les fondations, murs porteurs, charpentes,
- Installation d’un plancher chauffant ou d’un système intégré,
- Étanchéité et isolation structurelle.
⚠️ Travaux non couverts :
Les petits travaux d’entretien ou de décoration (peinture, papier peint, revêtements de sol, entretien de chaudière, etc.) ne sont pas concernés par la décennale, car ils n’affectent pas la solidité ou la destination de l’ouvrage.
Ces interventions relèvent plutôt de la garantie biennale ou de la garantie de parfait achèvement.
4. Quels types de dommages sont couverts ?
L’assurance décennale intervient pour les dommages graves survenus dans les dix ans suivant la réception du chantier.
Les principaux cas couverts :
- Affaissement de terrain ou fissuration importante des murs,
- Fuite ou infiltration d’eau rendant le logement inhabitable,
- Effondrement de toiture ou plancher,
- Mauvaise étanchéité à l’air ou à l’eau,
- Défaut de structure rendant le bâtiment dangereux,
- Non-conformité grave empêchant l’usage normal du bien (ex : chauffage défectueux dans une maison neuve).
👉 Exemple concret :
Un artisan maçon réalise la construction d’un garage. Trois ans plus tard, le mur porteur se fissure à cause d’un défaut de fondation. L’assurance décennale du maçon prend en charge la réparation intégrale des dégâts, sans que le client ait à payer quoi que ce soit.
5. Le lien entre assurance décennale et assurance dommages-ouvrage
La garantie décennale protège le maître d’ouvrage à long terme, mais son activation peut être longue (procédures, expertises, recherche de responsabilités…).
C’est pourquoi la loi prévoit une autre couverture complémentaire : l’assurance dommages-ouvrage.
➕ Rôle de l’assurance dommages-ouvrage :
Souscrite par le maître d’ouvrage (le client ou le promoteur) avant le début des travaux, elle avance le remboursement des réparations sans attendre que les responsabilités soient établies.
L’assureur se retourne ensuite contre l’assurance décennale du professionnel responsable.
Exemple :
Si une infiltration d’eau apparaît deux ans après la réception des travaux, le propriétaire peut être indemnisé rapidement grâce à la dommages-ouvrage. L’assureur se fera ensuite rembourser par l’assurance décennale de l’entreprise fautive.
Ainsi, les deux assurances sont complémentaires et indissociables d’un chantier bien protégé.
6. Que doit contenir une attestation d’assurance décennale ?
Avant le début du chantier, le professionnel doit remettre au client une attestation d’assurance décennale valide.
Ce document doit mentionner :
- Le nom de l’assureur,
- Le numéro de police et la période de validité,
- La zone géographique couverte,
- Les activités professionnelles garanties,
- Les conditions de mise en œuvre.
💡 Conseil pratique : en tant que client, ne signez jamais un devis ou un contrat sans avoir reçu et vérifié l’attestation décennale du professionnel. Cela vous protège en cas de sinistre ultérieur.
7. Combien coûte une assurance décennale ?
Le coût de la décennale dépend de plusieurs critères :
- Le secteur d’activité (maçonnerie, couverture, plomberie, etc.),
- Le chiffre d’affaires annuel,
- L’ancienneté de l’entreprise,
- Le nombre de salariés,
- Et bien sûr, le niveau de risque technique des chantiers.
En moyenne :
- Pour un auto-entrepreneur dans le bâtiment : entre 800 € et 2 000 € par an,
- Pour une petite entreprise : entre 2 000 € et 5 000 € par an,
- Pour une société du gros œuvre : jusqu’à 10 000 € ou plus.
Bien qu’il s’agisse d’un coût non négligeable, la décennale reste une assurance de survie professionnelle : un seul sinistre non couvert peut coûter des dizaines de milliers d’euros.
8. Comment souscrire une assurance décennale ?
Étapes clés :
- Identifier vos activités exactes (telles qu’enregistrées sur le Kbis).
- Comparer plusieurs assureurs spécialisés dans la construction.
- Fournir vos chiffres d’affaires prévisionnels, diplômes et expérience professionnelle.
- Vérifier les franchises, plafonds de garantie et territoires couverts.
- Obtenir votre attestation officielle avant tout début de chantier.
💡 Astuce : certains assureurs refusent les jeunes entreprises sans historique. Dans ce cas, passer par un courtier spécialisé peut aider à trouver un contrat adapté, notamment pour les auto-entrepreneurs ou les créateurs récents.
9. En cas de sinistre, comment fonctionne la décennale ?
Lorsqu’un dommage survient :
- Le client signale le problème au constructeur (ou à son assureur).
- Une expertise technique est réalisée pour identifier l’origine du sinistre.
- Si la responsabilité du professionnel est engagée, l’assureur prend en charge les réparations nécessaires.
- Le professionnel n’a pas à payer directement, sauf franchise prévue au contrat.
Le délai d’intervention peut varier selon la complexité du dossier, mais la couverture reste valable jusqu’à 10 ans après la réception officielle des travaux.
10. Pourquoi l’assurance décennale est aussi une garantie de confiance
Au-delà de son aspect légal, l’assurance décennale est un gage de sérieux et de professionnalisme.
Un artisan assuré rassure ses clients et démontre son engagement à livrer des travaux durables et conformes.
De plus en plus de maîtres d’ouvrage exigent cette attestation avant toute collaboration, voire la vérifient via des plateformes en ligne.
👉 En résumé :
- Pour le professionnel, c’est une protection financière et juridique.
- Pour le client, c’est une garantie de sécurité et de qualité.
Conclusion : la décennale, pilier de la confiance dans le bâtiment
L’assurance décennale est bien plus qu’une formalité administrative : c’est le socle de la responsabilité et de la confiance dans le secteur du bâtiment.
Elle protège à la fois le professionnel, en cas de sinistre, et le propriétaire, en cas de dommage structurel.
Dans un marché où les risques techniques et juridiques sont élevés, la décennale garantit la pérennité des entreprises et la satisfaction durable des clients.
Pour tout projet de construction, rénovation ou extension, aucun chantier ne devrait démarrer sans elle.

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